Séances plénières

Plénière en français

Diane Dagenais
Université Simon Fraser

 Penser autrement la linguistique appliquée: lignes de fuite sociomatérielles

Avec l’émergence des théories sociomatérielles, nous assistons depuis quelques années à un élargissement des perspectives sur l’apprentissage et l’enseignement des langues (Budach, 2018; Canagarajah, 2018; Fleming, Waterhouse, Bangou, & Bastien, 2018; Ilieva & Ravindran, 2018; Pennycook, 2018; Toohey, 2018; Toohey et al., 2015; Waterhouse & Arnott, 2016). Évoluant dans plusieurs champs d’étude, ces théories permettent de conceptualiser comment les processus discursifs et les activités sociales sont imbriqués dans le monde matériel et ontologiquement inséparables de celui-ci (Barad, 2007; Braidotti, 2013). En s’éloignant d’une analyse centrée uniquement sur la personne et le social, l’étude des phénomènes en didactique des langues inspirée des théories sociomatérielles tente de rendre compte de la coémergence et l’agencement (Deleuze & Guattari, 1987) des processus humains et matériels dans les situations d’apprentissage et d’enseignement. Dans cette communication, je vais introduire quelques concepts associés aux théories sociomatérielles, en soulignant comment ils se démarquent des conceptualisations antérieures de l’apprentissage et l’enseignement des langues et des approches de recherche privilégiées jusqu’ici dans le domaine. En me référant aux travaux de plusieurs chercheurs canadiens qui s’inspirent de ces nouvelles perspectives, je tenterai d’illustrer comment ils contribuent à élargir la linguistique appliquée en ouvrant de nouvelles lignes de fuite à explorer.

Diane Dagenais est professeure titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université Simon Fraser où elle enseigne des cours dans les programmes offerts en français et anglais. Ses recherches, subventionnées par plusieurs sources comme le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, sont situées en linguistique appliquée.  Elle s’intéresse plus particulièrement à l’enseignement des langues, au plurilinguisme, et aux pratiques de littératies scolaires et hors scolaires, y compris les littératies multimodales et numériques. Sa recherche la plus récente s’inspire du posthumanisme et des nouvelles théories de la matérialité. Menée en collaboration avec sa co-chercheure, Geneviève Brisson, ainsi que Magali Forte et Gwénaëlle André, doctorantes en langues, cultures et littératies, cette étude examine les dynamiques humaines et non-humaines à l’œuvre dans la production d’histoires plurilingues à l’aide de l’outil numérique Scribjab.

 

Plénière en anglais

Beverly Baker
Université d’Ottawa

Multilingual competence, language assessment literacy, and social justice:  Tendances dans le domaine d’évaluation de la langue

Ayant débuté dans le domaine de la mesure psychologique, l’évaluation linguistique a suivi une trajectoire disciplinaire quelque peu distincte par rapport à d’autres sous-domaines de la linguistique appliquée. En effet, le stéréotype le plus souvent associé au “spécialiste en mesure et évaluation” est celui du psychométricien solitaire travaillant sur ses chiffres. Bien qu’il ne s’agisse plus du tout d’une représentation réaliste, il est vrai que le virage socioculturel qui a eu lieu dans d’autres domaines de la linguistique appliquée nous a affectés beaucoup plus tard, et nous sommes encore en train de combler ce retard.  Prenons l’exemple des compétences plurilingues bien que le répertoire linguistique des élèves soit de plus en plus valorisé dans la salle de classe, l’évaluation linguistique dans son ensemble repose toujours sur une vision monolingue du monde. Je partagerai toutefois des recherches récentes sur le « translanguaging » qui remettent en question ce cloisonnement des langues à des fins d’évaluation. Je parlerai également des développements récents en littératie d’évaluation linguistique (Language Assessment Literacy, LAL). Les modèles naissants dans ce domaine ont le potentiel de réorienter les relations entre les spécialistes de l’évaluation linguistique et les autres parties prenantes – enseignants, apprenants et utilisateurs des résultats des évaluations – en problématisant les caractérisations déficitaires de ces parties prenantes et en mettant en exergue le fait que les spécialistes de l’évaluation linguistique ont eux-mêmes besoin de développer la LAL de façon continue.

Beverly Baker est professeure agrégée et directrice en évaluation des langues à l’Institut des langues officielles et du bilinguisme de l’Université d’Ottawa. Elle est membre fondatrice de l’Association canadienne pour l’évaluation des langues, ainsi que du nouveau groupe d’intérêt spécial en littératie d’évaluation linguistique (Language Assessment Literacy Special Interest Group) de l’Association internationale en évaluation des langues (International Language Testing Association). Elle a publié et partagé largement ses recherches dans les milieux universitaires et professionnels notamment sur la formation des maitres de langues, la conception et la validation des outils d’évaluations linguistiques et les approches critiques dans l’enseignement et l’évaluation. Elle essaie aussi de s’engager dans la co-recherche collaborative avec des enseignants et des responsables des politiques linguistiques.